"Mieux vaut en rester au centre",
Laozi.
Philosophie et politique : Commère et Compère.
Le magazine Philosophie (dans son n° 8 d’avril 2007) se propose d’envisager la campagne présidentielle française d’un point de vue philosophique. Quoique digne d’intérêt le dossier en question n’envisage pas autrement les choses que de faire soit du « people » (le duel Sarkosy/Onfray), soit de recenser des opinions (la déclaration de philosophes et de sociologues sur la personne pour laquelle ils vont voter), soit enfin de concocter un abécédaire (dictionnaire). L’effort est louable, inscrire le rapport du philosophique à l’actualité, mais par trop superficiel. Aucune clé ne nous est donnée pour comprendre ce qui se passe et quelle est la singularité de cette campagne. Cela reste du figé/imagé. Cela n’ouvre aucune piste de réflexion.
L’occasion est pourtant unique.
Car il y a matière à débat(s) autour de deux questions fondamentales : l’une sur l’environnement/écologie ; l’autre sur cette notion de « centre » que François Bayrou met en avant. Deux questions qui portent sur le monde - compris aussi bien dans son sens trivial de simple environnement que dans son sens plus technique de « totalité indéfinie de sens » (Jean-Luc Nancy) et la façon de s’y rapporter politiquement.
Et l’occasion est ratée.
C’est dommage.
On ne peut que s’interroger devant cette carence. Y aurait-il un abandon ou un renoncement à affronter maintenant ces questions dans un magazine de philosophie ? Ou plus grave encore les philosophes français ne chercheraient-ils plus à inaugurer une réflexion inédite dans ce domaine ? Ces dernières années, les deux seuls à avoir donné congé à l'emprise des connaissances académiques sont Michel Onfray et François Jullien. Chacun d’entre eux a d’ailleurs subi des critiques acerbes. Chacun dérange à sa manière. L’un par le souci constant d’ouvrir aux non philosophes un corpus d’œuvres inconnues sinon ignorées ou marginalisées. Et l’autre en montrant les limites d’une tradition philosophique inféodée aux concepts qui aurait fort à apprendre de sa confrontation à une pensée rationnelle, subtile, excitante, extérieure à notre tradition - la pensée chinoise.
Il est très regrettable que l’articulation du politique et du philosophique ne soit pas ré-interrogée, voire revivifiée à l’occasion de cette campagne présidentielle. Campagne très ouverte en termes de candidatures et d’idées exposées. Campagne qui s’inscrit dans un moment de bouleversements mondiaux où besoins et attentes des citoyens face aux concurrents en lice s’expriment tant dans les médias traditionnels que sur la Toile. Et les réponses apportées sont, il faut bien le dire, insuffisantes. Car il manque la réflexion radicale sur « le » politique qui soutendrait le discours sur « la » politique. Ce qui incite à se demander si les philosophes professionnels ne se sont pas endormis sur leur petit pré carré ?
Paraphrasant le questionnnement de Musset, on peut se demander "A quoi rêvent les philosophes" ?