Le genre épistolaire a octroyé la postérité à quelques hommes ou femmes remarquables. De Paul de Tarse, on a retenu ("officiellement") quatorze épîtres – autrement dit quatorze lettes ouvertes : aux Romains, aux Corinthiens (I et II), aux Galates, aux Ephésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, aux Thessaloniciens (I et II), à Timothée (I et II), à Tite, à Philémon et aux Hébreux. De Marie de Rabutin-Chantal - marquise de Sévigné - on se souvient davantage des lettres adressées à sa fille, Madame de Grignan, que de celles destinées à ses amis (Le marquis de Pomponne, Bussy-Rabutin, Mme de La Fayette, les Coulanges). Les Lettres de M.B., drapier de Jonathan Swift ainsi que les Lettres persanes de Montesquieu sont quant à elles empruntes de l’esprit pamphlétaire annonciateur des Lumières. A travers le simple exercice de la correspondance (réelle ou fictionnelle), ces épistoliers sont entrés en guerre contre l’éphémère et on remporté d’immenses victoires ou ont su commettre de plus modestes exploits. Bien entendu d’autres auteurs - y compris des modernes - pourraient être cités comme autant de membres de cette infime closerie de personnes qui jardinent notre présent - et vraisemblablement notre avenir – à partir du « petit lopin d’encre » du quotidien.
A chaque jour, suffit sa lettre, sa rencontre, son coup de gueule, son remerciement … ou ses condoléances importés depuis le « tiers monde de la littérature ». A ce titre, le compositeur Erik Satie est assurément un artiste philosophique immergé dans la passion pour la correspondance. Lire sa Correspondance presque complète - réunie par Ornella Volta aux éditions Fayard – c’est un peu comme partir en cure "au bord de l'amer" (on aperçoit toujours l'ombre d'un clown trsite dans le voisinage des habits de lumière d'un clown) , en cure d’anté-postsurréalisme « à s’en lécher les oreilles ».
Un échantillon pour vous en convaincre ?
A Constantin Brancusi Mercredi 27 juin 1923
Cher Bon Gros Ami.
Que devenez-vous ?
J’ai su que vous aviez été un peu souffrant, mais que vous êtes rétabli.
Tant mieux.Roché m’a dit que je vous ai posé un « lapin ». Quand cher Ami ?
Si oui – ce qui doit être puisque vous le dites – pardonnez-moi, je vous prie : je ne suis qu’un petit étourdi – très vilain, & qui vous supplie de le pardonner.
Je compte (sur mes doigts) passer vous voir, à l’œil nu, sous peu. Vous verrez un homme qui a beaucoup vieilli, surtout depuis vingt-cinq ans. Oui.
J’ai grand besoin de repos ; le médecin me recommande les distractions : l’équitation, la natation, l’aérostation & mille récréations.
Je vous embrasse fort. ES