Le livre s'étale sur la table de la librairie, épais, blanc et noir, semblable dans son format et sa présentatiion aux autres titres de la collection: Fiction et Cie. Roman est écrit en petit sur la couverture comme si l'éditeur se voulait rassurant. On le comprend, car le titre l'est moins:
Les Angles morts.
Un angle mort est une partie du terrain non vue. Quelle enigme recèle donc ce titre? Il serait simple de dire en bref qu' il y est question de disparitions/réapparitions. D'objets et de personnes. Mais ne comptez pas en apprendre ici davantage dans cettte note. A chacu(e) de découvrir le reste.
Tout de même, le livre une fois en mains s'impose: 410 pages!
Ajoutons une indication concernant la construction du roman. Il comprend quatre parties portant dans l'ordre ces quatre titres: Passé sans avenir; Présent indéfini; Avenir sans passé; Page arrachée,feuille volante. Cela laisse envisager que l'auteur Alain Fleischer ne se contente pas de raconter une histoire au travers d'un récit mené sous l'angle du "je" d'un narrateur fictif. Ni d'animer quelques personnages en quête d'auteur. Sa prétention se veut plus grande. Il s'instale délibéremment dans le présent,avec la double butée 1943/2003; actualité et histoire se trouvent donc mêlées. Plongé dans notre époque le narrateur ne cesse de se déplacer de lieu en lieu à travers une europe d'aujourd'hui, en recherche de reconstruction. Comme le narrateur lui-même. Bien plus, comme le note l'un des personnages, il y a en permanence dans les propos tenus par l'omniscient narrateur une sorte de débordement des descriptions, des commentaires, par la théorie. Comme si cela, théoriser, était devenu le reste d'un autre monde, d'un autre temps. Qui ne pouvait entièrement s'effacer; qui ne pouvait entièrement s'accomplir. Comme si cela relevait de la survie d'un autre mode de vie. Comme si la pensée déjà passait dans un angle mort.
Angle mort, l'expression s'impose en maints endroits revenant comme un leitmotiv.
Et c'est bien de ces angles morts que l'encyclopédie EvAP entend également s'occuper.
Aussi est-ce avec émerveillement que nous reconnaissons Alain Fleischer (photographe, cinéaste, romancier....) comme l'un de ses maîtres arpenteurs.
Et que, par concordance d'esprit, nous le saluons.